Côté consommateurs chinois, quelles perspectives pour les marques ?
Un retour à la normal non sans discrimination
Le secteur de la consommation courante (alimentaire, habillement…) semble bénéficier d’un bon capital confiance auprès des consommateurs et consommatrices. Les personnes interrogées estiment en effet que la probabilité d’un retour à la normale dans les 15 jours est supérieure à 50%.
Le secteur du luxe ; quant à lui, montre des signes de reprise plus modérés, et surtout, inférieurs à la moyenne. Idem pour les sorties, les loisirs ou les achats de produits cosmétiques. On aurait pu imaginer un engouement pour toute activité permettant de s’évader à nouveau, mais il semblerait que cela soit plus compliqué et que les consommateurs souhaitent se concentrer sur « l’essentiel ». Les consommateurs n’auraient plus l’esprit à la fête.
Quel est d’après-vous l’un des secteurs le plus impacté ? ……. Celui de la mobilité !
Le secteur de la mobilité – y compris en ce qui concerne les déplacements à l’intérieur du pays – sera celui qui mettra le plus de temps à se reveler. Cette donnée n’est pas sans corrélation avec la consommation de produits de luxe. Nul n’ignore que la majorité des achats de produits de luxe par les Chinois et Chinoises se fait lors des déplacements touristiques hors de Chine.
Vers plus d’indépendance économique ?
La Chine semble vouloir privilégier une baisse de la dépendance économique envers les autres pays. Cette tendance du « retour au local » risque de devenir un vrai Manifesto y compris de la part de la Chine. Ce qui ne sera pas sans conséquence puisque le marché chinois représentait une part importante de la consommation mondiale du luxe notamment !
Et ailleurs ?
Les marques adoptent des stratégies différentes. Toutefois, les secteurs les plus impactés comme le tourisme n’hésitent pas à prendre des paris audacieux voire à créer de nouveaux modèles pour se préparer à l’après crise. A l’instar de AirB&B qui lève 1 milliard de dollars auprès de 2 fonds afin de renforcer sa position.
Brian Chesky, co-fondateur et CEO de l’entreprise, va jusqu’à prédire de nouvelles tendances en matière de voyage. « Le désir de se connecter aux autres et de voyager (…) sera renforcé par la période de confinement. Mais la façon dont cela se manifeste va changer, à mesure que le monde évolue. Les gens vont expérimenter une nouvelle forme de flexibilité dans leurs modes de vie et de travail, ils ne seront plus cantonnés à un seul lieu. Et avec l’émergence d’un intérêt accru pour les voyages proches de chez soi, nos clients vont rechercher (…) des expériences locales. »
Cela semble confirmer les prédictions de voyage de cette étude BOOKING qui avait été publiée avant la crise du COVID_19 et qui identifie quelques tendances intéressantes.
Côté consommation
Didier Onraita, fondateur du réseau d’épicerie en vrac day by day et spécialiste de la grande distribution expliquait récemment dans une interview donnée à ADN que la crise actuelle allait redonner toute sa place au commerce de proximité.
En temps de guerre, on est privé du matériel. Mais jamais du collectif. Or, en ce moment, on a à manger, on peut se faire livrer, la télé tourne à plein, on est en permanence sur nos écrans. En revanche, le confinement nous prive des autres. Pour l’espèce humaine, le groupe est le niveau de sécurité le plus important. Cette privation, qui n’a rien avoir avec celles de la guerre, est donc quelque chose qui va nous permettre de nous rappeler de l’importance de la rencontre et de la relation à l’autre. Et par extension, de la proximité en matière de distribution.
Sur le plan de la relation de l’humain aux institutions, l’individu est un numéro et ça a toujours été le cas. Mais la crise actuelle met en lumière un changement important, celui de la perception de la valeur de chaque individu. Chaque être humain en tant qu’individu est désormais d’une importance considérable pour le collectif, qu’il soit productif ou non. Il y a 25 ans, la Chine aurait probablement eu une autre réaction face à l’épidémie. Elle aurait vraisemblablement laissé mourir les gens.
Sauver la jeunesse productive aurait un sens économiquement parlant pour l’après crise. Mais ce n’est pas la situation que nous vivons. Aujourd’hui, la valeur de l’individu en tant qu’individu vivant est plus forte de jamais. Ça dit quelque chose de notre rapport à la vie, à la mort et à l’individu. Cette crise doit nous engager à trouver des manières de structurer nos économies, nos commerces et nos services différemment.
Kathy O’MENY
Le 10 Avril 2020
*Méthodologie adoptée par l’observatoire « #Covid-19 : Tracking the Rebound* »
Sondage réalisé en ligne entre le jeudi 26 mars et le samedi 29 mars 2020 dans les plus grandes villes chinoises, sur un échantillon de 600 personnes appartenant aux 10% des foyers les plus riches en Chine.
Interrogation depuis un panel de citoyen.es et de consommateur.rice.s en ligne, échantillonné selon la méthode des quotas avec redressement sur les variables suivantes : genre, âge, profession, taille d’agglomération et région d’habitation.