Fauchon, acteur historique parisien de la gastronomie, étend son emprise sur la place de la Madeleine et marque ses premiers pas sur le segment hôtelier. Un écrin signé Richard Martinet, artisan de la métamorphose du Peninsula Paris, à la hauteur des ambitions de Fauchon, qui vise une collection de vingt établissements dans le monde d’ici les prochaines années. Afin d’en savoir plus sur ce nouvel acteur du paysage hôtelier parisien, nous avons rencontré Jacques-Olivier Chauvin, président de Fauchon Hospitality, expert en l’hôtellerie mais surtout, passionné d’hospitalité. Un profil sur mesure pour permettre à l’enseigne de tirer son épingle du jeu, à l’heure où les hôteliers rivalisent d’imagination pour s’attirer la fidélité des clients.
Pour commencer, parlez-nous de votre parcours. Comment passe-t-on de Relais & Châteaux à Van Cleef & Arpels ?
Au cours de mes vingt-cinq ans de carrière, j’ai alterné de manière régulière entre le secteur de l’hôtellerie et celui du retail, car ce sont deux univers qui se complètent et se nourrissent mutuellement. Après des études à HEC, j’ai été nommé directeur général adjoint de Taillevent, au moment où l’enseigne se diversifiait pour évoluer en véritable marque gastronomique. Puis j’ai rejoint Louis Vuitton, où j’ai supervisé l’ouverture du premier flagship sur les Champs Elysées. J’y ai appris le retail, qui est toujours une passion aujourd’hui, et qui a de nombreux traits communs avec l’hôtellerie, puisque l’objectif final consiste toujours à satisfaire le client. Puis Relais & Châteaux m’a proposé de prendre la direction commerciale et marketing de la marque, que j’ai occupée durant trois ans avant d’être nommé directeur général. Au bout de dix ans à la tête de cette belle marque, j’ai eu envie de nouveaux challenges. C’est à ce moment là que Stanislas de Quercize m’a contacté pour prendre la vice-présidence Europe de Van Cleef. Un nouveau challenge passionnant qui m’a permis d’apprendre la joaillerie tout en développant le réseau européen. Quand la marque s’est recentrée à Genève, je suis parti et ma carrière a pris un tournant plus entrepreneurial, puisque j’ai eu plusieurs propositions, que j’ai toutes acceptées sous forme de missions. En 2016, j’ai rejoint le board de Fauchon pour accompagner l’ouverture du premier hôtel de la marque, avant d’être nommé président de Fauchon Hospitality, la filiale du groupe qui opère sur le segment hôtelier à l’international.
Autour de quel thème avez-vous souhaité articuler ce premier hôtel ?
La gastronomie, cela va sans dire ! Au-delà de l’ADN de Fauchon, c’est de l’ADN de la France dont il s’agit. Ici par exemple (dans le Grand Café Fauchon, ndlr), nous avons entièrement pensé l’espace et la philosophie du lieu autour de l’expérience, de la découverte. La carte par exemple, propose une sélection de plats sans structure définie, afin que chacun puisse véritablement laisser libre cours à ses envies. De même, le bar est pensé tel un atelier, où chacun est invité à pénétrer. Notre vocation est d’encourager les clients à découvrir, tester, challenger leur palais.
Parlez-nous de la politique de l’établissement en matière de service
Si notre propos s’articule autour de l’expérience, il est fondamental que cela se ressente dans le service. Nous avons choisi de laisser une grande liberté à notre personnel, en lui demandant de garder à l’esprit ce mantra : « Si vous ne faites pas tout ce qui est en votre pouvoir pour sur-satisfaire le client, vous ne créerez ni véritable satisfaction, ni fidélité ». Cela se traduit par exemple par une conversation en fin de repas afin de connaître les points positifs et potentiellement les points d’amélioration de l’expérience, la liberté de faire découvrir aux clients de nouveaux univers gustatifs, et bien évidemment la nécessité d’anticiper leurs besoins, mais surtout leurs envies.
À cet effet, comment sélectionnez-vous vos collaborateurs ?
Nous commençons par bien expliquer l’univers et l’image de Fauchon aux candidats, mais aussi le projet, ses développements futurs. Nous choisissons des gens qui ont à cœur de régaler les sens, et qui sont à même de savoir prendre des risques pour cela. Au final, les candidats que nous sélectionnons, ont une parfaite connaissance du métier, de l’univers haut de gamme, des différents codes pour s’adapter aux coutumes de chaque pays, mais ce sont surtout des profils qui sont un peu « twistés ». Nous aimons les personnalités qui ont un grain de folie, qui ne sont pas forcément lisses.
Qu’est-ce qui fait, selon vous, la différence entre une expérience de qualité, et ce que vous aimeriez que les gens ressentent ici ?
Ce qu’on va retenir d’un lieu, c’est le lien qui crée l’émotion. L’écrin n’est là que pour donner vie à cette émotion. Un lieu peut être formidable, mais in fine c’est l’équipe qui fait la différence, cette équipe un peu twistée que nous avons sélectionnée. C’est pour ça que nous souhaitons laisser une grande autonomie à nos équipes, nous faisons le pari de l’audace. Les jeunes qui sont ici ont une mission : événementialiser l’expérience, la mettre en scène. Ils ont la liberté de guider le repas comme bon leur semble, en fonction de leur ressenti, de ce qu’ils perçoivent du client. Ils doivent jouer à un jeu qui consiste à fantasmer la raison pour laquelle les gens sont là, et cela relève non seulement d’une véritable compétence, mais d’une véritable vocation.
C’est la philosophie de notre directeur général, Jérôme Montantème, pour qui le « purpose of stay » est fondamental. Dans cette optique, si les collaborateurs n’ont pas compris cet enjeu, ils ne peuvent pas aller au bout de la satisfaction.
Aujourd’hui, où sont vos challenges ?
Développer harmonieusement cette collection d’une vingtaine d’hôtels, qui devront répondre à des fondamentaux en matière de service, de fonctionnement et de décoration, tout en conservant une identité bien à part.
Recruter le bon directeur pour l’hôtel de Kyoto, qui comprenne à la fois l’univers de Fauchon, l’art de vivre à la française et l’âme du Japon.
Quelques jours après l’inauguration de l’établissement, quels sont vos premiers retours clients ?
Pour l’instant, très bons. Pour autant, cela ne veut pas dire que nous n’avons pas droit à l’erreur, et c’est une vision sur laquelle nous insistons, notamment auprès de nos équipes. Nous considérons que nous n’avons pas le droit de laisser partir un client qui n’aurait pas exprimé son insatisfaction. Nous avons donc mis au point une méthode en sept étapes pour détecter les éventuels mécontentements, qui consiste à créer le dialogue, mais surtout détecter les signes qui peuvent traduire l’insatisfaction. Nous intervenons ensuite en fonction du niveau de plainte. Je pense vraiment qu’on ne peut pas rêver mieux qu’un client qui critique : c’est grâce à lui que l’on peut avancer.
Quels sont vos objectifs chiffrés ?
15 millions d’euros sur trois ans.
Le premier hôtel parisien inauguré, quelles sont les prochaines grandes étapes pour Fauchon Hospitality ?
À court terme, une vingtaine d’établissements devraient ouvrir leurs portes, à commencer par Kyoto, Budapest, Doha, Miami, Londres. Nous souhaitons avant toute chose, que chaque hôtel ait son identité propre, une âme véritablement inspirée par la culture de la géolocalisation.
Et quels projets potentiels pour l’avenir ?
Nous ne l’avons pas encore annoncé, mais une école de formation Fauchon devrait ouvrir ses portes prochainement à Paris. Tous les managers devront être passés par cette école, dont les enseignements seront dispensés par des collaborateurs internes à l’entreprise.
Pour conclure sur une note plus personnelle, que faites-vous pour vous stimuler, vous inspirer ?
Je voyage énormément, c’est mon premier centre d’intérêt. Je vais à Londres quasiment toutes les semaines, puisque c’est là-bas que j’ai développé ma start-up, Tripmonitor*. J’aime aussi beaucoup le Japon, mais surtout, j’aime voyager sans vraiment savoir où je vais, ni ce que je vais faire…
*Basée à Londres, Tripmonitor est une agence spécialisée sur l’e-reputation dans l’hôtellerie, en particulier sur Tripadvisor via dans l’analyse des données BIG DATA pour établir des profils clients, de sorte à outiller les équipes et faire gagner de nombreuses années d’expérience aux collaborateurs. «