Abc-luxe a rencontré Nick Heys, un entrepreneur anglais passionnant issu du monde du marketing et logiciel digital ayant décidé d’investir dans la restauration en 2016. Il co-fonde et co-pilote aujourd’hui le Fitz Group en compagnie de Guillaume Benard. Le Groupe à travers ses cinq adresses propose une nouvelle approche conviviale de la restauration parisienne, portant une attention particulière au sourcing responsable et à la qualité du service
Comment passe-t-on du marketing à la restauration ?
Ce fut un accident ! Au départ, pour aider un voisin, l’idée fut de racheter un bar à Paris « Le Gatsby » mais finalement, cela n’a pas pu se faire. Quelque semaines plus tard, mon ami Jean-Michel évoque à son tour l’envie d’ouvrir un restaurant avec son fils Guillaume, à Paris. Séduit par l’idée, nous étudions plusieurs propositions, et sommes finalement charmés par le Fitzgerald qui me rappelait mes années new-yorkaises avec son speakeasy.
Pour porter le projet, nous avons dû trouver un nom de code, sur une boutade, je lui dis « on n’a pas eu Gatsby, on aura le Fitzgerald » et c’est devenu notre nom définitif !
Pouvez-vous nous donner un aperçu de l’histoire du Fitz Group et de ses débuts ?
Nous créons le Fitz Group à la sortie du second confinement regroupant ainsi nos trois premiers établissements indépendants. Nous avons décidé d’ouvrir notre capital afin d’accélérer notre développement.
Le premier restaurant fut Le « Fitzgerald » situé dans le 7ème arrondissement. Il attire aujourd’hui une clientèle de quartier, mais il est surtout prisé par les figures politiques et les professionnels qui cherchent un endroit à la fois élégant et convivial pour leur déjeuners d’affaires. Le soir, l’atmosphère change radicalement et le restaurant se transforme en un lieu festif. Au deuxième service, la musique monte en puissance et il n’est pas rare de voir les convives danser sur les tables.
Le menu propose une cuisine française moderne avec des touches internationales. C’est un lieu parfait pour les déjeuners d’affaires le midi et pour faire la fête entre amis le soir.
Notre deuxième restaurant « Abstinence », situé près du Champ de Mars dans le 15ème arrondissement, attire une clientèle principalement composée d’amateurs de tendances culinaires modernes. L’ambiance y est à la fois décontractée et élégante. Un des aspects les plus innovants de « Abstinence » est son bar vinyle le jeudi, vendredi et samedi soir. Cela fait de lui le premier bar disquaire du 15ème arrondissement.
Pour notre troisième établissement, le Vesper, nous avons investi un gros budget en décoration que nous avons confié au studio Làzaro. C’est d’ailleurs le premier lieu décoré par ce designer à Paris. Nous avons eu de belles retombées en presse.
Cette année, nous venons d’ouvrir en avril 2024 le « Hollywood Savoy » dans le 2ème arrondissement et nous prévoyons l’ouverture de la « Fontaine Gaillon » en juin 2024 également dans le 2ème arrondissement.
Quelle est la mission principale du Fitz Group ?
Notre ambition est clairement de : «Transformer les restaurants de quartier en lieux gourmands, chics et festifs ». Au début, personne ne croyait en notre projet, « le 7ème, c’est pantouflard » me disait-on ! Et pourtant, maintenant, on refuse des entrées, car nous sommes victimes de notre succès. Pendant le confinement, nous avons comme tout le monde développé la vente à emporter, afin de ramener un peu de fête à la maison. Notre levée de fonds de 3 millions € auprès de FPCI Food Investîmes et CDN, nous permet d’ouvrir deux autres restaurants courant 2024.
Comment le Fitz Group se différencie-t-il des autres acteurs parisiens ?
L’un de nos concurrents par exemple « Paris Society », est un groupe qui a été par des personnes venant du monde de la nuit, nous, on vient de la restauration. Ils avaient déjà une culture de la « boite de nuit » et ils ont ajouté cette brique. Nous, on vient de la culture de la gastronomie et on y a rajouté la fête. Nous voulons également rester sur des tailles de restaurants médium (à taille humaine) afin d’humaniser le plus possible nos lieux.
Une de nos plus grosses différences est que nous sommes encore au stade de start up, on est continuellement en phase de développement.
Quelle est votre cible principale ?
Pour le Fitzgerald, notre cible est plutôt une clientèle de quartier, « la jeunesse dorée » avec pas mal d’hommes et de femmes politiques. Mais aussi des personnalités publiques comme Brad Pitt qui est déjà venu deux fois. Ce sont des personnes qui sont charmées par la tranquillité du Speakeasy et la possibilité de s’échapper discrètement par notre sortie secrète à l’arrière… On vise le même type de clients dans tous les restaurants du groupe.
Quelles sont les valeurs fondamentales du Fitz Group ?
Chez Fitz Group, le client est toujours au coeur de os actions. Nous nous engageons à offrir une cuisine à la fois savoureuse et responsable. Mais plus que tout, nous aspirons à réinventer l’art de bien recevoir. Deux de nos valeurs fondamentales pour nous : notre brique RSE et notre carte végétarienne. C’est tres important pour nous de les mettre en avant, car depuis 2023, nous nous sommes engagés à devenir éco-responsables en partenariat avec Ecotable qui nous a attribué un « Resto-Score » de B, ce qui plutôt satisfaisant pour un groupe de notre catégorie.
Aujourd’hui, 97 % de nos ingrédients sont frais et bruts, nous respectons et valorisons un maximum les légumineuses avec plusieurs options végétariennes. Moi-même étant végétarien, j’attache une importance aux vraies cartes végétariennes avec une attention particulière à la saisonnalité des fruits et des légumes cultivés en France. Dans la restauration de luxe et haut de gamme, l’idée est de toujours mettre une pièce de viande ou de poisson pour que l’assiette soit complète. Nous avions envie d’une autre proposition. Chez nous, les légumineuses sont les stars !
Toutefois, pour nos amis carnivores nous nous fournissons en majorité en viande française pour garantir une traçabilité de qualité et soutenir nos éleveurs locaux.
Par ailleurs, nous prenons très à cœur le bien-être mental et physique de nos entreprises. Ce bien-être mental en entreprise commence par l’intégration des personnes en difficulté sociale et professionnelle et la sensibilisation contre les violences et le harcèlement en cuisine. On sait que malheureusement, les cuisines par le passé avaient mauvaise réputation. Elles étaient décrites comme des lieux de travail très stressant avec comme dirigeant un chef bougon, peu voire pas à l’écoute de ses équipes.
On a la chance chez nous d’être face à des chefs ouverts d’esprit et compréhensibles bien que ça n’a pas toujours été ainsi… Au départ, ce fut compliqué de les convaincre de faire des menus végétariens. Mais ironiquement, le plus dur fut de leur faire accepter que ces menus devinrent rapidement parmi nos best sellers. La bonne nouvelle, c’est que nos clients vont vivre plus longtemps et que nous, on va gagner plus d’argent. Guess what, il y a plus de marge sur les légumes et en plus c’est bon pour la santé !
Comment le Fitz Group intègre-t-il la durabilité et la responsabilité sociale et écologique dans ses pratiques ?
Nous avons mis en pratique nos valeurs écologiques, environnementales et sociales dans tous les détails de nos restaurants.
Par exemple, nous valorisons les huiles usagées par l’installation de bac à graisses et un compostage local à proximité. Cela nous permet de limiter la pollution, liée au transport des marchandises et de participer à la végétalisation de la ville de Paris.
En ce qui concerne le bien-être mentale et physique de nos équipes, nous avons par exemple mis en place des plannings sans coupure. Puisque nous sommes un groupe de 4 et bientôt 5 restaurants, dans des localisations plutôt proches, nous pouvons nous permettre de faire tourner nos équipes dans les différents restaurants. De ce fait, ils n’ont pas de longues pauses qui leur faisaient perdre leur journée et peuvent vraiment profiter de leur moment de repos.
Comment faites-vous pour attirer les talents ?
Nous avons une très bonne équipe RH. Comme dans la mode, on a besoin d’un côté de profils créatifs et de l’autre, de personnes 100% opérationnelles. En ce qui concerne les chefs opérationnels, nous utilisons LinkedIn pour les plus jeunes ou sinon nous passons par des cabinets de recrutement. Cependant, pour les responsables de relations publiques, c’est presque impossible de cibler notre recherche. La seule méthode de recrutement reste le bouche-à-oreille pour trouver les profils adéquats.
Quel est le profil professionnel que vous recherchez ?
En général, nous recherchons des managers modernes, des professionnels qui savent tirer le meilleur de leurs équipes. Ce sont des personnes qui savent inspirer, motiver et encourager l’innovation tout en respectant les valeurs de notre entreprise.
Quels types de formation offrez-vous à vos employés et avec quels objectifs ?
Notre objectif est de créer une ambiance détendue, tant pour nos serveurs que pour nos clients. Aujourd’hui, ce que recherchent les gens, c’est un luxe décontracté, et pour cela, on a mis en place une formation de théâtre que nos équipes suivent à leur arrivée. C’est une formation encadrée par « des directeurs du fun » comme j’aime les appeler, qui sont en réalité chargés des relations publiques. Leur objectif est de former les équipes à toutes les éventualités de situations avec le client, pour n’avoir aucune restriction générationnelle et s’accorder à toutes les tables. Ces professionnels sont vraiment des pièces maîtresses dans l’encadrement de nos équipes. Ce sont des artistes, des hommes et des femmes de théâtre, chargés de faire régner un esprit fun !
Quelle place tient l’innovation technologique dans votre stratégie ?
La digitalisation de la restauration s’est accélérée avec la COVID. Les réservations venaient avant à 15 à 20 % du web, maintenant elles représentent 90 %. Dans le Fitz Group, on est passé en full digital, pour la gestion client, le marketing, les achats, les événements, et les RH. Forcément, on a été obligé de former nos équipes à la prise en main des outils digitaux. Les anciennes générations qui ont commencé dans la restauration ne se sont jamais dit qu’ils allaient finir avec une tablette dans les mains. Parfois, cela a été un peu compliqué de leur faire comprendre le lien entre la cuisine et le digital, mais maintenant, ils sont convaincus.
Pouvez-vous nous parler de quelques innovations récentes ou à venir qui vous enthousiasment particulièrement ?
Nous avons mis en place un CRM (Customer Relationship Management) afin d’enrichir la personnalisation de l’expérience clients. Avant pour reconnaître nos clients fidèles, nous nous fiions à la mémoire de nos responsables parfois physionomistes, parfois pas du tout… Maintenant nous n’avons plus ce problème, grâce à votre nom, nous savons si c’est votre première fois dans l’un de nos établissements, nous pouvons identifier le lieu de votre dernière visite chez nous, vos habitudes de consommation, vos goûts etc… Et ainsi mieux personnaliser votre expérience.
Quelles sont les principales stratégies de croissance que vous envisagez pour les prochaines années ? Prévoyez-vous d’étendre votre présence à l’international ?
Bien sûr que nous pensons à nous développer, mais pour l’instant l’international n’est pas notre priorité. Il y a encore tellement d’opportunités à Paris. Le plus important pour nous reste de consolider notre base française.
Le groupe a été créé il y a 18 mois, nous comptons plus de 90 salariées et réalisons un CA de 11 Millions € cette année. Nous serons rentable en T4. Il faut compter qu’une ouverture de restaurant induit une période de montée en puissance de 6 mois.
Quels sont vos principaux défis à venir ?
Le gros défi de demain, ce sont bien évidemment les JO !
Notre autre défi majeur du moment, c’est l’ouverture de deux nouvelles aventures en même temps le « Hollywood Savoy » et « La Fontaine Gaillon » . Cela représente déjà deux gros défis qui s’annoncent être rock & roll !
Comment allez-vous gérer les JO et quelles mesures pensez-vous mettre en place ?
Nous sommes super optimistes, mais il faut quand même rester vigilant. On a prévu d’adapter nos menus en anglais, d’organiser des petits jeux pour les touristes afin d’apprendre le français. Nous prévoyons aussi des campagnes publicitaires en anglais…
Quelles sont, selon vous, les grandes tendances et envies qui façonneront l’avenir de l’industrie du luxe ?
Pour un marketeur, la restauration digitale est un rêve, surtout pour la collecte de données et l’IA. Nous avons commencé à utiliser une IA surtout pour la prévision du CA et la gestion de nos achats et masse salariales. Ça nous permet de nous organiser bien mieux, y compris en matière de ressources humaines… et ainsi d’avoir finalement une meilleure rentabilité.
Avez-vous des livres qui vous inspirent ?
J’en ai deux …..Le premier est « Permission Marketing » de Seth Godin. Godin introduit le concept de marketing par permission, une approche qui contraste fortement avec le marketing traditionnel. Plutôt que de bombarder les consommateurs avec des publicités intrusives, Godin préconise de demander leur permission avant de leur envoyer des informations commerciales. Cette stratégie repose sur la construction de relations à long terme avec les clients en leur offrant de la valeur en échange de leur attention.
Le second est « Blinck, The Power of Thinking Without Thinking » de Malcolm Gladwell. Il explore la manière dont les décisions instantanées peuvent souvent être aussi bonnes que celles prises après une réflexion longue et délibérée. Gladwell examine le pouvoir de la première impression et les décisions intuitives, appelées « décisions en un clin d’œil » (blink decisions).
Ces deux livres m’ont marqué au fil de ma carrière.
Pour finir, nous avons une requête particulière… en tant qu’amoureuses des animaux, nous ne pouvions cesser de nous demander, à quand les menus pour animaux ?
*rire* C’est une excellente idée ! Vous n’allez pas me croire mais nous en avons parlé avec le service marketing il y a quelques semaines. Ils vont tous adorer !
Rendez-vous à la première Toutou’s Party.
Nous y serons assurément 🙂
Dans cette attente, nous vous invitons à découvrir l’univers du Fitz Group sur son site internet !
Propos recueillis par Kathy O’MENY & Sana BENABDELLAZIZ